«E-santé: un bon serviteur mais un mauvais maître» (Dr Lawrence Cuvelier)

Généraliste et Président de l’asbl Abrumet, le Dr Cuvelier, à l’occasion de la semaine e-santé à Bruxelles, dresse un bilan lucide sur ces nouveaus outils mis à la disposition des professionnels de la santé.

 

A l’occasion de la semaine de l’E-santé de la région bruxelloise, on ne peut que de se réjouir des progrès foudroyant réalisé depuis deux ans, où tous les indicateurs d’utilisation de données, d’adhésion par les généralistes sont passés au vert. Le développement de tous ces programmes et en particulier le hub bruxellois (le réseau de santé bruxellois développé par Abrumet)  a œuvré pour être un interlocuteur valable et crédible. Sa politique depuis 15 ans a toujours été dans la persuasion plutôt que dans l’obligation. Si un outil est utile et fait gagner du temps, il ne faudra pas longtemps pour que tout le monde l’adopte. Mais il ne faut pas oublier qu’un grand nombre de prestataire de santé sont des analphabètes numériques, et que les obligations font peurs.

Si on veut imposer un outil à des soignants sans que ce soit le cœur de leurs métiers, il y a des risques qu’ils présentent une irritation ou un rejet. C’est ce que nous avons toujours voulu éviter. Si en plus de cela, on jette la suspicion sur la finalité du projet, qui consiste en une meilleure transmission des données au service des soins donnés au patient, on court le risque de blocage très néfaste pour un développement harmonieux des projets d’e-santé. Des services qui ne sont pas parfaitement au point peut encore augmenter la rancœur et amertume.

Au service …

Notre force réside dans une volonté de convivialité qui permet la mise à disposition de manière gratuite de beaucoup d’informations, pratiquement en temps réel, la production des documents va croissant et actuellement il faut gérer la pléthore plutôt que le manque. Nous avons réuni tous les hôpitaux bruxellois et les généralistes autour de la table, avec un idéal non commercial. Par rapport à d’autres pays, nous avons pris une avance considérable mais il faut encore un effort sérieux pour que chacun puisse maitriser les outils. Prendre du temps, n’est pas forcément en perdre, l’exploitation de toutes les possibilités est laborieuse. La transmission des données médicales et leurs partages est probablement un avantage de temps pour les patients, pour ne pas reproduire des examens déjà faits, pour avoir une meilleure vue d’ensemble, pour mieux communiquer avec les spécialistes et les généralistes. Le gain pour les patients et la société sont évidents, l’adhésion au système doit tenir compte des conflits d’intérêts, en particulier la perte éventuelle que représenterait des actes non facturés du fait de leurs redondances. Des développements au sein des coffre-fort bruxellois ou wallon pour une meilleure prise en charge de la première ligne ajouteront encore de la cohérence autour du patient ambulatoire.

Différentes applications d’e-health apportent un gain de temps ou une sécurité appréciable, pouvoir obtenir un Bf en quelque seconde, transmettre une prescription en quelques clics, remplir un formulaire de handicap rapidement sont quelques-unes des avancées remarquables.

Mais …

Il existe des ambiguïtés quant aux finalités des différents projets, où la confusion peut menacer la légitimité du projet. Il serait navrant que notre pays qui a pris une avance considérable en la matière soit bloqué par des confusions ou des manques d’accessibilités. Quelques points d’attention :

  • Des applications ne sont pas toujours facilement accessible, le prestataire se trouve souvent à se demander si le coupable est son informaticien, le logiciel, le réseau, e-health, oassr une demi-heure avec un informaticien pour renouveler son certificat n’est pas agréable même si certains parviennent à le faire en deux minutes. Les médecins sont loin d’être tous des passionnés d’informatiques
  • L’informatique doit être au service des praticiens, et pas un outil d’asservissement des prestataires de soins, des études étrangères montrent que quand c’est le cas ,c’est une cause de burn-out.
  • Pas mal d’applications informatiques sont potentiellement des jobs killer, des postes administratifs dans les mutuelles, les hôpitaux, l’administration sont menacés par les développements de l’informatiques, c’est sans doute un bien, mais cela mérite des encouragements économiques.
  • Le partage des données médicales avec le patient peut conduire à des violations de l’intimité du patient avec des conséquences irréversibles, le débat éthique est singulièrement absent dans la société. Faut-il une catastrophe pour que l’opinion publique s’indigne et que l’on fasse une marche arrière catastrophique.

Longtemps, on a cru que la télématique médicale était une utopie, maintenant qu’elle se développe, elle devient une formidable opportunité, pourvu que nos dirigeants écoutent les remarques des gens sur le terrain, et ne nous fournissent pas des listes d’exigences impossible à tenir.

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